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Émilie Tremblay

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Professeure d’anatomie vétérinaire, fondatrice du Mouvement de la ceinture verte (Green Belt Movement), environnementaliste, politicienne et activiste pour les droits humains; le parcours de Wangari Maathai est tout à fait extraordinaire. Elle est notamment la première femme africaine à avoir reçu le prix Nobel de la paix et la première femme d’Afrique de l’Est et d’Afrique centrale à avoir obtenu un doctorat en sciences.

La première femme professeure d’université au Kenya

Wangari Maathai est née à Ihithe au Kenya le 1er avril 1940 et elle est décédée le 25 septembre 2011 à Nairobi, capitale du Kenya. Elle a fait une grande partie de ses études universitaires en Occident, plus particulièrement aux États-Unis grâce aux bourses de la fondation John-Fitzgerald-Kennedy, à une époque où le Kenya était encore sous domination britannique.

En 1966, après ses études de maîtrise en biologie, elle est rentrée au Kenya pour occuper un poste au département de zoologie de l’Université de Nairobi, poste qu’elle n’a jamais obtenu. Elle a décroché son premier emploi au département d’anatomie vétérinaire de l’Institut universitaire de Nairobi affilié à l’Université de Makerere en Ouganda.

Elle a ensuite effectué une partie de ses recherches doctorales en Allemagne avant de rentrer au Kenya en 1969 où elle a obtenu le titre de maître assistante et en 1974, celui de maître de conférence. En 1971, elle a obtenu son doctorat en anatomie vétérinaire.

En 1977, elle est devenue la première femme kényane à accéder au poste de professeure associée. Elle a également été la première femme à diriger le département d’anatomie vétérinaire. À l’université, elle s’est battue pour l’équité salariale et pour les conditions des femmes enseignantes.

Son travail de terrain l’a amené à constater la dégradation de l’environnement au Kenya et de ces constats, elle a tranquillement mis en place ce qui allait devenir un vaste projet de reboisement à l’échelle nationale, mais également un engagement politique en faveur de la démocratie et des droits humains.

Engagement politique

Elle a quitté son poste à l’Université de Nairobi en 1982 après 16 années d’enseignement pour se lancer en politique. Sa première tentative a échoué et son université a par la suite refusé de la reprendre. Elle s’est dès lors consacrée corps et âme au Mouvement de la ceinture verte alors rattaché à la National Council of Women of Kenya (NCWK), organisme qu’elle a présidé durant plusieurs années.

Mes nombreux diplômes ne m’ont jamais fait oublier mes racines paysannes et, comme dans mon enfance, j’aimais ce contact avec la terre. Dans les années 1980 et 1990, le milieu politique se moquait volontiers de cette « grande dame » aux manières de « bouseuse », que l’on voyait agenouillée dans un champ aux côtés des villageoises, plongeant les mains dans la terre. J’étais absolument imperméable à ces railleries et les femmes des campagnes me reconnaissaient comme une des leurs. (p. 201 de son autobiographie)

Wangari Maathai a été menacée, harcelée et emprisonnée à plusieurs reprises sous le régime de Daniel Arap Moi au pouvoir de 1978 à 2002 pour son militantisme en faveur des droits humains et pour son travail de protection de l’environnement. Elle s’est opposée à de nombreux projets qui menaçaient de destruction des forêts ou des espaces verts publics comme celui du parc Uhuru et des forêts de Karura à Nairobi. Elle a même passé une période dans la clandestinité au début des années 1990 alors que sa vie était menacée.

Je passai un jour et une nuit dans la cellule de garde à vue du commissariat de Lang’ata. J’essayai de dormir dans ce cachot sale, glacial et humide, sur un sol en ciment couvert d’eau croupissante. Je me demandais jusqu’à quel point la pièce n’avait pas délibérément été inondée. Cette fois-ci, on ne me donna pas de couverture et j’étais seule. Et j’avais cinquante-deux ans, de l’arthrite aux deux genoux et un dos qui me faisait souffrir le martyre. Je ne savais plus dans quelle position me mettre et j’avais tellement mal que je crus que ma dernière heure avait sonné.  (p. 296-297)

Reconnaissance

Après plusieurs décennies de combats pour l’environnement, la démocratie et les droits humains, l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement en 2002 a marqué le début d’une nouvelle période pour Wangari Maathai. Élue au Parlement kényan la même année, elle est également nommée ministre déléguée à l’Environnement et aux Ressources naturelles en 2003. Elle a occupé ce poste jusqu’en 2005. Au cours de cette période, elle a également fondé le Parti vert Mazingira et s’est également impliquée dans diverses organisations internationales comme le Congo Basin Forest Fund, le Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine (ECOSOCC), GROOTS International, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUE), etc. Et elle a reçu le Prix Nobel de la paix!

Je ne voyais qu’une façon de fêter dignement l’évènement : en plantant un arbre, bien sûr ! […] Un employé s’empressa de creuser un trou tandis qu’une foule de curieux et de journalistes s’attroupait pour assister à la scène et l’immortaliser : Wangari Maathai, prix Nobel de la paix, plantant un flamboyant de Nandi. (p.401)

Wangari Maathai a eu trois enfants. Son mari, Mwangi Mathai, s’est séparé d’elle en 1979 en lui reprochant notamment son niveau d’instruction, sa force de caractère et son insoumission. Dans ces combats contre le régime d’Arap Moi, son statut de « femme divorcée » a été abondamment utilisé contre elle pour la malmener et l’humilier publiquement.

 Principales réalisations

Elle a œuvré pendant plus de trente ans à la préservation de l’environnement au Kenya. Elle a fondé en 1977 le Mouvement de la Ceinture verte (Green Belt Movement- GBM) qui s’est par la suite développé dans plusieurs autres pays.

Ce mouvement, qui allie développement communautaire et protection de l’environnement, a permis de planter des dizaines de millions d’arbres dans tout le Kenya et de créer plusieurs milliers de pépinières, ce qui a généré des emplois pour les femmes kényanes.

Elle a également mis sur pied le Wangari Maathai Institute for Peace and Environmental Studies, un institut universitaire qui travaille dans la même perspective que le GBM. Quelques années avant son décès, elle a participé à la fondation de l’Initiative des femmes Nobel (The Nobel Women’s initiative) .

Prix obtenus

Outre le prix Nobel de la paix qu’elle a obtenu en 2004 pour sa contribution au développement durable, à la paix et à la démocratie, elle a reçu des dizaines de prix tels que le Prix Nobel alternatif (Right Livelihood Award) (1984), le Prix du leadership africain pour la fin durable de la faim (The Hunger Project) (1991), le Prix Goldman pour l’environnement (1991), le Prix Sophie (2004), la Légion d’honneur de la France (2006) et le Grand Cordon de l’Ordre du Soleil Levant du Japon (2009).

Elle a également reçu de nombreux honneurs, titres et doctorats honorifiques notamment d’universités japonaises et américaines.

Depuis 2012, un prix porte son nom, le Wangari Maathai Award. Ce prix a été lancé par le consortium international Collaborative Partnership on Forests. Elle a également obtenu d’autres doctorats honorifiques, tels que celui de la Syracuse University de New York en 2013. L’Université de Pittsburgh lui a rendu hommage en 2013 en créant un monument vivant (arbres et jardins) à sa mémoire.

Références

Collaborative Partnership on Forests (2014), « Wangari Maathai Award 2012 ». En ligne.

Maathai, Wangari (2011), Celle qui plante les arbres, (I. Taudière, trad.), Paris, J’ai lu, 429 p. (ouvrage original publié en 2006 sous le titre Unbowed : A Memoir, New York, Alfred A. Knopf).

Maathai, Wangari (2003), ‪The Green Belt Movement: ‪Sharing the Approach and the Experience, Hushion House, 117 p.

International Museum of Women (2014), « Environment Roots of Peace Wangari Maathai and the Green Belt Movement ». Women, Power and Politics. Online Exhibition. En ligne.
http://www.imow.org/wpp/stories/viewStory?storyId=1239

Nobel Media (2004), « Wangari Maathai – Biographical », Nobelprize.org. En ligne.
http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2004/maathai-bio.html

(s.d.), « Meet the Laureates Wangari Maathai – Kenya 2004, Founding Member », Nobel Women’s Initiative. En ligne.
http://nobelwomensinitiative.org/meet-the-laureates/wangari-maathai/

Schnall, Marianne (2008), « Conversation with Wangari Maathai », Feminist.com. En ligne.
http://www.feminist.com/resources/artspeech/interviews/wangarimaathai.html

(2014), « Wangari Maathai », The Green Belt Movement. En ligne.
http://www.greenbeltmovement.org/wangari-maathai

Tippett, Krista (s.d.), « Wangari Maathai », On Being. En ligne.
http://www.onbeing.org/tags/wangari-maathai

Wangari Maathai Institute for Peace and Environmental Studies (2009). En ligne.
http://wmi.uonbi.ac.ke

Page Wangari Maathai, Wikipedia The Free Encyclopedia. En ligne.
http://en.wikipedia.org/wiki/Wangari_Maathai

(s.d.), « Taking Root: The Vision of Wangari Maathai ».Worldchannel.org.
http://worldchannel.org/programs/episode/taking-root/.

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Femmes savantes, femmes de science Copyright © 2014 by Émilie Tremblay is licensed under a Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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